Interview Sosyland

Quelles sont les circonstances qui ont déclenché ton entrée dans le monde des sosies ?

Quand on te répète tout le temps, les uns comme les autres, que tu ressembles à quelqu’un sur cette planète, tu as 2 solutions : sois tu laisses pousser ta moustache en te disant ça m’énerve, je ne veux pas le faire, sois tu as un sens de la comédie et un sens artistique et tu te dis « pourquoi pas ? » A cette époque-là, je travaillais dans le textile. Mon premier métier a été restaurateur et ensuite j’ai vendu des fringues sur le marché. Et là, on me disait sans cesse « Salut Robin ! » alors je me suis dit « Tiens, je vais faire le sosie de Robin Williams ».

Mon activité de sosie a réellement commencé en 1994. Et là j’ai été voir le film « Mme Doubtfire » qui sortait sur le grand écran. Je me suis mis dans la file d’attente et hop « ACTION ». A cet instant ça a été le délire. Les uns, les autres disaient « C’est Robin ;non c’est pas possible, si si tu crois ! c’est pas Robin ». Dans la salle on me prenait en photo en me disant « Attendez c’est remarquable ». Un autographe s’il vous plaît ! Là je me suis dit c’est superbe, c’est vachement marrant, c’est comique. Les gens pensent que je suis Robin Williams. J’ai refait un 2ème passage et ça a été la même chose. 
A moi HOLLYWOOD ! Direction LOS ANGELES.

As-tu eu l’occasion de rencontrer ton héros ? Comment cela s’est-il passé ?

 Evidemment ! Je suis allé aux Etats-Unis, j’ai frappé à la porte de chez lui et je n’ai pu rencontrer que le personnel. Je souhaitais le voir mais il était absent. Les voisins me saluaient pensant que j’étais RW. Ce qui était drôle, je n’étais pas loin de sa maison, assis sur un banc, les gens s’arrêtaient et pensaient eux aussi que j’étais RW. C’était une belle aventure.

A Las Végas, je me suis baladé autant en Mme Doubtfire qu’en RW. Gros succès à  Los Angeles sur le parc de Universal Studio, non loin de Sunset Boulevard où les mains des artistes sont imprimées dans le béton.

De retour en France, j’ai rencontré RW à l’occasion de la sortie du film « Jumanji ». Il m’a apprécié énormément. Je l’ai également rencontré lors de la sortie de son film « Insomnia ». Un ami me propose de le rencontrer. Je me suis installé dans son hôtel, habillé en noir, et là les gens m’ont dit « C’est remarquable votre ressemblance. Allez dans la cour, tous les photographes sont là ». Je vais dans la cour et tous les photographes me mitraillent. Quelqu’un dit « Attendez, c’est le sosie de RW ». Puis je me mets de côté. Je le vois et moi qui n’ai jamais les mains moites, pour une fois, j’ai eu les mains moites. Il vient et pose pour la séance photo. Je viens vers lui et il me dit « Oh mon copain français, je suis très content que nous ayons la même gueule » et nous faisons des photos ensemble, délirantes, marrantes, comiques. Suite à cela il s’en va et viens une dame qui me dit « Mais Monsieur, qui vous a demandé de rentrer dans cet établissement ? » Qui vous a permis de venir voir RW et de lui serrer la main ? Vous n’avez pas le droit. Messieurs les photographes, je vous demande de ne pas publier les photos qui viennent d’être prises avec le sosie ». Quelques jours plus tard l’article et la photo sont sortis sur Gala. Moi je suis pris d’une grande déception. Un responsable de l’hôtel me dit « Bonjour, je suis chargé de surveiller l’hôtel (la petite police), donnez-moi votre passeport s’il vous plaît, et veuillez quitter les lieux » Je réponds « Je ne peux pas Monsieur car mes affaires se trouvent dans l’enceinte de votre hôtel ». « Ah violation de domicile, violation d’un endroit privé, eh bien nous allons appeler la Police ». « Appelez donc la Police et je dirai aux photographes « On va faire une belle presse » « Ah mon Dieu le sosie de RW est venu tout simplement voir son double. Bof, à vous de juger ! ». Ils m’ont mis sur le côté pendant 3 h, soit la durée de la conférence de presse de RW avec Al Pacino pour le film « Insomnia ». Et moi, j’était encadré par 3 gardes du corps. Même pas l droit d’aller aux toilettes. Une fois la conférence terminée, j’ai pu récupérer ma sacoche et mon passeport. Ouf ! Enfin libéré. Dur dur d’être un sosie.

A l’occasion du film « Jumanji », le responsable de Tristar Columbia m’avait dit que j’allais rencontrer RW à la Radio. « Laissez pousser votre barbe comme RW qui revient d’Angleterre. Il vient de terminer le film « Will Hunting » avec Matt Damon.On m’avait dit dès qu’on le voit  à l’aéroport, s’il a la barbe coupée, on vous téléphone. Il est arrivé à l’émission Radio Skyrock avec la barbe coupée. Immédiatement, bombe à raser, rasoir dans la main . Hop. Je m’identifie à lui (non sans me couper à plusieurs reprises dans la précipitation). Là on fait des photos ensemble. A un moment on me dit « Bonjour Monsieur RW je suis l’animateur de Skyrock, je vous ai préparé ceci … » et quelqu’un lui dit « Mais attendez c’est pas lui ! C’est l’autre qui est à côté ». Du coup RW m’a salué et ma ressemblance était tellement imposante que l’on m’a demandé de partir pour qu’il n’y ait pas confusion dans une ambiance très sympathique.

Depuis quand vis-tu dans le monde des sosies ?

 J’ai été pris dans l’émission « Qui est qui ? » comme sosie de Robin Williams et Mme Doubtfire. C’était en ……. Là la Production m’a proposé de m’engager pour une dizaine de dates en tant qu’animateur. J’ai donc quitté Montpellier où je résidais pour monter à Paris et je me suis dit « A moi l’aventure ! » Cela m’a permis de faire des émissions de télé et de commencer cette profession.

 Est-ce si facile que cela de vivre dans la peau de 2 personnages en même temps ?

Je trouve que ressembler à RW ou de jouer le rôle de Mme Doubtfire, c’est une vie tout à fait à part étant donné que l’on vit dans la peau d’un autre. C’est pour cela que souvent quand je fais un spectacle, je joue d’abord le rôle de Mme Doubtfire et après je reviens en RW donc moi-même. Cependant, je préfère 100 fois mieux faire Mme Doubtfire que Robin Williams, où l’on fait une photo et c’est tout. Avec Mme Doubtfire, c’est un rôle de comédien et je peux participer. C’est une chance que RW ait interprété plusieurs rôles de comiques comme « Jumandji », « Good Morning Vietnam » et comme « Flubber », que j’ai mis en scène pour un spectacle d’une heure pour les enfants. Alors merci Robin !

Depuis un certain temps, RW joue des rôles plus dramatiques comme « Insomnia » ou « Photo Obsession ». Récemment j’ai appris qu’il divorçait. Vous voyez même les stars ont leur point sensible, nous sommes tous égaux, riches ou pauvres. Je me souviens qu’une fois il m’avait dit à Deauville avec son accent américain « Vous savez je parle un peu français. Il y a beaucoup de personnes qui me ressemblent dans le monde. Je suis très content qu’il y ait un Français comme vous, qui a la même gueule que moi car j’aime la France ! »

Comment as-tu travaillé ton personnage ? Quels ont été les contacts nécessaires à prendre, les recherches à faire ? Explique-nous !

Certains travaillent avec un miroir pour voir si les mimiques sont identiques. Moi, je n’ai pas besoin de faire ça parce que c’est tout à fait naturel. Ne serait-ce que la voix, qui est identique, comme on me le dit souvent. J’arrive à prendre la voix de Mme Doubtfire de façon naturelle. Il y a aussi les mimiques qui accentuent un peu plus et surtout la fameuse paire de lunettes sur le pif. La ressemblance, elle, est naturelle. Je n’ai pas à regarder 10 fois le film pour pouvoir jouer le rôle.

Pour interpréter le rôle de « Flubber » ou de « Jumandji », il suffit de regarder une ou deux fois. Si tu as une sensibilité artistique et que tu arrives à imaginer c’est facile. C’est comme un bon cuisinier qui compose sa sauce en prenant par-ci par-là les ingrédients et clac clac clac la sauce est bonne.

A-t-il été nécessaire que tu ais un agent ?

 Le monde des sosies n’a pas de représentant. Il n’y a pas d’agence pour représenter uniquement les sosies. Je n’ai pas d’agent. C’est moi qui me vend, qui prospecte. Ce qui est fatigant car on ne peut pas être à la fois commercial et artiste. Donc je pers du temps et de l’argent. C’est vrai il me faudrait trouver quelqu’un qui se propose de s’occuper de moi. Mme Doubtfire se vend partout, en soirée de cinéma, en soirée de gala, en animation commerciale.

 Est-ce que cela a modifié ton quotidien ? Qu’en pense tes intimes, amis, famille et collègues ?

Lorsque je préviens ma famille ou mes amis que je passe à la télé, on me répond qu’on m’a déjà vu … ou encore « Ouais, c’était pas mal ». Je me dis « D’accord, allez laisse tomber ! ». Lorsque je ne dis rien, on me dit « Mais t’es à la télé, tu te rends pas compte c’était superbe ! » Il est donc préférable de ne rien dire. La surprise est bien plus importante et la réaction bien meilleure. J’ai été longtemps à trop m’investir dans mon personnage au point qu’un ami m’a averti d’en faire moins. Il m’a fallu du temps pour me libérer du fait que je vivais dans la peau d’un autre …

 Est-ce qu’on te remarque souvent en tant que sosie ?

 A Paris, comme la vie est mouvementée, les gens ne prennent pas le temps de se regarder. En revanche, assis dans le métro, le regard est plus fixe et parfois on me dit « Excusez-moi, c’est marrant, vous ressemblez à Robin Williams ». Ce sont les autres qui doivent te révéler ta ressemblance.

 Comment vis-tu quand tu es en représentation de ton personnage ?

 C’est une grande joie d’interpréter Mme Doubtfire parce que c’est jouer à part entière un rôle de comédien du fait que ce personnage est fictif et lié à un seul film. Au moment où je mets ma perruque et prends mon sac à main, immédiatement je prends la voix de cette femme. Je me donne à fond pendant ma prestation puis après il me faut un certain temps pour me libérer du personnage et redevenir moi-même.

 Quels sont les bons souvenirs avec ton public ?

Après une animation, la fatigue est là, mais quand tu as le sourire et la joie du public, que les gens te disent « Bravo vous êtes superbe ! » ça ce sont des vitamines qui font disparaître ta fatigue.

 Ton regard a-t-il changé à l’égard de l’original depuis que tu le représentes ?

 Pas du tout, il est lui et je suis moi.

 Es-tu perfectionniste dans ton rôle de sosie ?

 Oui, je crois ! Je ne m’autorise aucune erreur. Lorsque l’on a le sens artistique, le sens de la perfection et de la sensibilité c’est difficile de faire ce métier là. Il faut être attentif à tous les détails qui font l’authenticité du personnage. Sinon on est là pour le fric et c’est tout.

As-tu déjà bluffé avec ta ressemblance ?

 A l’occasion du salon du film français à Paris, j’ai assisté à une projection et à la finale, habillé en smoking, je me suis retrouvé dans un tourbillon de stars en présence de photographes. La foule m’acclamait « Robin, Robin, please photo … ». Et là je me suis dit, en descendant les marches : « attention Alain, tu es Robin, pas d’erreur ». Et là je vois une belle Mercedes et chaque star est invité à monter dans la voiture. Deux filles me disent « Malgré que vous soyez le faux, c’est tellement bon, c’est tellement vrai, vous permettez qu’on monte avec vous ? ». La voiture part en direction de l’avenue des Champs Elysées, au restaurant Le Fouquet’s. Là une nuée de photographes m’appelle « Robin, Robin ». Au moment où j’entre dans le Fouquet’s une hôtesse me demande mon invitation. Je bredouille « Vous savez très bien que je suis le faux. Regardez autour de vous, on nous regarde. S’il vous plaît laissez moi entrer ! ». L’hôtesse me redemande « Vous avez votre invitation Monsieur. Sinon vous quittez les lieux ! ». Je ne savais plus où j’en étais. J’ai improvisé, j’ai pris mon téléphone en marmonnant n’importe quoi en anglais dans l’espoir que les gens ne me suivent plus pour me demander un autographe. Lorsque j’ai enfin réussi à m’éloigner de toute cette mascarade j’ai pris mon ticket de métro dans mon portefeuille et je me suis dit « Alain, c’est pas pour toi ! ». C’est pourquoi je me dis « Si tu ressembles à quelqu’un, l’essentiel c’est de rester soi-même ».

 As-tu un petit secret que tu pourrais aimablement nous délivrer, une passion secrète ?

 Il m’est arrivé de faire du naturisme et d’être tranquillement installé, nu comme un ver, et soudain on me dit « Excusez moi, vous ressemblez à RW et ça fait drôle de le voir nu ». Après avoir habité pendant plusieurs années dans un dupleix à Paris où le manque de lumière m’oppressait, j’ai décidé de vivre quelque temps sur un bateau style remorqueur non loin de Paris, sur les conseils de mon ami Philippe, sosie de Bruce Willis, qui lui-même habite sur une très belle vedette qui va très bien avec son personnage.

 Quel regard portes-tu sur ta carrière de sosie ?

 Je travaille dans l’ombre. Cela fait 10 ans qu’être sosie me suit, mais cela fait 7 ans que je suis professionnel. Maintenant j’aimerais pouvoir faire du théâtre ou un film comme Alain en tant que tel.

Le métier de sosie ou de comédien est très intense, c’est de la magie. Il faut savoir faire face à tout ça. Parfois, je me dis « ras le bol ». Je stoppe. J’ai le projet de partir à Las Végas et d’aller déambuler en Mme Doubtfire, pourquoi pas  d’être embauché pour un casino et de donner un côté comique. Là-bas tout le monde a son appareil photo. J’ai envie de vivre cette aventure, voilà.

 Sosyland, c’est quoi pour toi ?

Le monde des sosies c’est une grande famille. C’est sympa malgré qu’il y a 20 Johnny et autant de Claude François. On est tous contents de se retrouver, comme dernièrement au casting de TF1 « Quil sera le meilleur sosie ? ». C’est marrant parce que entre nous on s’appelle tous par le nom de stars « Salut Jacques Brel ! ».

C’est un monde qui n’a pas trop d’hypocrisie car on comprend tous la douleur de se dire pourquoi on nous demande une signature sachant que nous sommes le faux ? Mais le public est heureux de nous demander un autographe. A travers toutes les soirées et galas que je fais je donne de la qualité et on fait le maximum. Je pense que l’on en donne peut-être un peu plus que le vrai.

La plupart des sosies veulent rencontrer le « vrai » pour faire la photo idéale comme celle que j’ai faite à Deauville avec RW.

 Jusqu’où géographiquement es-tu allé pour te produire … raconte !

 Au canada pour l’émission « Surprise, surprise » avec d’autres sosies, En Suède où j’ai fait une émission, tout comme en Italie et en Belgique.

 As-tu côtoyé des stars ? Quels sont les échanges que vous avez eus ?

 Sur des plateaux télé, je reste très discret. Je laisse venir les gens à moi.

Sur des tournages, j’ai rencontré Jacques Dutronc, Gérard Depardieu et nous avons eus des échanges très cordiaux et sympathiques.

Une fois j’ai fait de la  figuration dans le quartier de La Défense près de Paris. Il y avait une pluie artificielle. Une femme m’a apporté un bouquet de fleurs en me disant « On est tous là-haut à vous regarder. On vous aime tous, c’est super ! ». Non loin de moi se trouvait la star qui est mannequin et à cet instant je lui ai volé la vedette …

 Travailles-tu avec d’autres sosies ?

 J’ai monté une soirée spéciale « cinéma» avec Hélène, le sosie de Whoopy Golberg. Elle en « Sister Act » et moi en Mme Doubtfire. J’ai beaucoup de joie à me retrouver avec d’autres sosies. Nous sommes une bonne équipe.

 Fais-tu des tournées ?

 Oui bien sûr en présence des sosies de comédiens américains.

 Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui atterrit à Sosyland ?

 N’aie pas peur lance-toi !

 As-tu quelque chose que tu souhaiterais dire particulièrement ….

 Merci Papa, merci Maman de m’avoir donné la tête d’un comique américain.

 As-tu une prestation prochaine à nous transmettre ?

Je pars à Las Végas le 25 mai à une très grande soirée de sosies. Je ne vais pas pour concourir pour gagner un prix, car RW a un sosie qui gagne depuis plusieurs année en 3ème position. Mais je trouverais cela marrant de faire une remise de prix  en Mme Doubtfire en présence d’un sosie américain de Robin Williams. J’y vais avec Sean Connery et sa future femme qui se marieront là-bas., peut-être aussi Elton John et Columbo. Nous partons tous en équipe pour aller s’amuser. On va voir ce que ça donne. A nous l’aventure !

 A propos du casting que nous avons passé « Qui sera le meilleur sosie ? »

J’ai été sélectionné et puis par manque de temps, la production a annulé 10 sosies dont moi … J’ai tout de même l’espoir que l’on me verra un peu dans les bandes annonces…